Ingénierie Patrimoniale

Ingénierie Patrimoniale | 09-04-2019

Couples sans enfant, à qui ira votre patrimoine ?

La première préoccupation patrimoniale de la plupart des couples mariés sans enfant est la protection du conjoint survivant. Mais s’ils veulent que leur patrimoine reste à terme dans leur branche familiale ou aille à un bénéficiaire précis, ils doivent prendre des dispositions particulières.

La transmission du patrimoine n’est pas une priorité pour la plupart des couples mariés sans enfant. Leur seule préoccupation, c’est la protection du conjoint survivant. Elle est prévue par le Code civil. Celui-ci désigne le conjoint survivant comme seul héritier légal, sous déduction d’un quart par père ou mère du défunt s’ils sont toujours vivants, et même comme seul héritier réservataire (pour un quart de la succession).

Les époux veulent aller plus loin ? Le testament permet d’instituer le conjoint légataire universel, et ainsi de le doter de l’intégralité du patrimoine. De plus, il ne sera soumis à aucun droit : c’est la meilleure protection entre conjoints.

Seule restriction à cette liberté quasi totale : si le conjoint décédé avait reçu des biens par donation avec clause de droit de retour, ils seront restitués aux donateurs, le plus souvent les parents.

Protection du conjoint et transmission choisie

Toutefois, certains couples souhaitent associer un second objectif à la protection du conjoint survivant. Par exemple, ils veulent gratifier une ou plusieurs personnes, ce qui peut signifier des droits de succession élevés. Autre scénario, ils tiennent à ce que certains biens restent dans leur branche familiale au second décès. Dans de tels cas, le Code civil et la désignation d’un légataire universel ne suffisent plus.

Prenons un exemple pour illustrer cette situation, celui de Michel et Nadine, mariés sans enfant et âgés tous deux de 64 ans. Leurs parents sont décédés. Ils ont signé devant notaire une donation au dernier vivant : le conjoint survivant pourra hériter de l’intégralité du patrimoine du défunt.

Une maison impossible à faire «revenir» dans la famille

Michel disparaît le premier. Nadine hérite donc, entre autres biens, de la maison de famille dont Michel avait lui-même hérité au décès de son second parent. Elle est libre de l’occuper, de la louer, de la revendre. Faisons l’hypothèse qu’elle la loue pour compléter sa pension.

Quand Nadine disparaît quelques années plus tard, cette maison ira à ses héritiers, donc à sa branche familiale : frères et sœurs, à défaut neveux et nièces, puis oncles et tantes, etc. La famille de Michel la verra sortir définitivement de son patrimoine.

Imaginons même que Nadine, par fidélité à la famille de son conjoint, désigne comme héritier Jacques, le jeune frère de Michel. Pour le législateur, Nadine et Jacques n’ont aucun lien de parenté. Jacques bénéficiera d’un abattement dérisoire (1600 euros !) puis acquittera 60% de droits de succession. Il est donc probable qu’il revendra la maison : l’objectif de maintien dans la branche familiale de Michel n’est pas atteint.

Un audit patrimonial avant d’organiser la succession

Voilà pourquoi il est nécessaire d’anticiper et d’organiser la succession, en particulier quand les époux ont des objectifs complémentaires à la protection du conjoint survivant.

Quand je rencontre un couple marié sans enfant, je commence par établir un état des lieux. Quels sont les éléments du patrimoine de chacun ? Y a-t-il un déséquilibre marqué entre monsieur et madame? Les différents actifs sont-ils le fruit du travail de chacun ou ont-ils été hérités de la famille ? Aux yeux de leur détenteur, ont-ils une valeur strictement financière ou plutôt affective ? L’audit patrimonial et social est le meilleur outil pour effectuer cet inventaire.

Prévoir au-delà du second décès

Dans un second temps, le couple peut réfléchir à la destination de son patrimoine quand l’un et l’autre auront disparu. Certains estimeront que la question leur importe peu. D’autres réaliseront qu’ils tiennent à léguer quelque chose à une sœur, à un neveu, à un ami cher. Cela reste l’objectif n° 2, après la protection du conjoint survivant. Mais si le patrimoine commun permet de viser les deux, pourquoi s’abstenir ?

Il faut alors mettre en place les bons outils juridiques et civils, en collaboration avec le notaire, parfois l’avocat. Je ne les listerai pas tous ici. En revanche, quelques exemples illustrent l’intérêt de ces outils.

Assurance-vie et legs graduel

Premier exemple, l’assurance-vie. La clause bénéficiaire peut être utilisée au profit de n’importe quel bénéficaire, membre de la famille ou non. Il aura droit à l’abattement de 152500 €.

Si vous voulez que votre conjoint puisse puiser dans le capital détenu sur ce contrat d’assurance-vie, optez pour un démembrement de clause bénéficiaire : le quasi-usufruit pour votre conjoint, la nue-propriété pour le bénéficiaire désigné.

Autre possibilité, prévoir dans le cadre d’un testament un legs dit « graduel » qui organise la transmission à deux bénéficiaires successifs. Le premier est votre conjoint, qui doit conserver le bien en nature. Le second est un bénéficiaire désigné — par exemple un neveu — qui héritera donc de vous, mais seulement à la disparition de votre conjoint.

Une société civile pour éviter les tensions

Autre possibilité encore, léguer l’usufruit au conjoint survivant et la nue-propriété à un autre gratifié. Ceci permettra de réduire encore le coût de la transmission à ce dernier. Toutefois, l’usufruitier et le nu-propriétaire devront parfois s’entendre sur la gestion des biens. Gare aux tensions…
Dans un tel cas, une société civile permettra au conjoint de conserver grâce à son statut de gérant les pleins pouvoirs sur les biens détenus par la société. L’autre gratifié ne sera que nu-propriétaire des parts sociales. La cohabitation se résumera alors à la rencontre en assemblée générale.

Emmanuelle Vanderschueren

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