Ingénierie Patrimoniale

Ingénierie Patrimoniale | 11-02-2020

Abus de droit fiscal – nouvelle procédure en 2020 

« l’administration commente… plutôt bien »

La loi de finances pour 2019 avait agité le domaine du conseil fiscal par l’introduction d’une nouvelle procédure d’abus de droit fiscal[1], à la définition plus souple que la traditionnelle[2]. Après avoir vainement tenté en 2013 de modifier la définition de la procédure d’abus de droit fiscal, la voie d’une procédure parallèle fut explorée et le terme de « à but principalement fiscal » introduit. Nous avions alors exprimé nos regrets en termes de sécurité juridique. Tout au long de l’année, les professionnels se sont interrogés, souvent avec anxiété, sur les conséquences pratiques de cette disposition.

2020, date d’entrée en vigueur aux actes concernés, s’ouvre, nous allons le voir, sur une note plutôt positive.

On pouvait déjà observer dans la réponse ministérielle du 25 juin 2019 un prémisse : « l’administration appliquera, à compter de 2021, de manière mesurée cette nouvelle faculté conférée par le législateur, sans déstabiliser les stratégies patrimoniales des contribuables ».

L’administration vient de confirmer cette inclination dans ses commentaires dans le BOFiP en date du 31 janvier 2020[3].

Pour rappel, la procédure d’abus de droit classique[4] a vocation à réprimer les actes fictifs (abus de droit fiscal par simulation) et ceux relevant de la fraude à la loi (actes ayant pour but exclusivement de réduire l’imposition dans un esprit contraire aux textes).

Abus de droit fiscal et optimisation fiscale : 2 notions distinctes

Malgré les dérives du débat d’opinion, l’administration conserve une certaine rigueur intellectuelle.
Elle énonce que « cette disposition, pas plus que l’abus de droit visé à l’article L. 64 du LPF, n’a pour objet d’interdire au contribuable de choisir le cadre juridique le plus favorable du point de vue fiscal pourvu que ce choix ou les conditions le permettant ne soient empreints d’aucune artificialité. »

Fictivité : rien de nouveau

L’administration confirme l’absence d’application de la nouvelle procédure d’abus de droit fiscal en cas de fictivité des actes.
Ainsi, l’ensemble des stratégies pour lesquelles la jurisprudence n’a reconnu à l’administration que la possibilité de contester les actes sur ce principe se voient confortées.

Exemple que nous pouvons citer : la donation avant cession[5].

Fraude à la loi : 2 ingrédients sinon rien

Elle rappelle que la fraude à la loi nécessite :

  •  l’élément intentionnel de réduire l’imposition, et désormais pour la nouvelle procédure son caractère seulement principal en lieu et place d’exclusif,
  • mais de façon simultanée un élément objectif, l’utilisation dans un esprit contraire des textes.

Par conséquent, comme de nombreux autres commentateurs, nous jugeons que le champ d’application de cette procédure de répression des abus de droit fiscaux est limité aux dispositions fiscales ayant un objectif particulier.
Et le cas échéant lorsque les actes sont d’un esprit contraire au dispositif, et non seulement différent.[6]

Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, cela exclut les options fiscales[7].

Et à notre sens en principe les pleins effets fiscaux d’actes juridiques (ces derniers ne pouvant être critiqués que sous l’angle de la fictivité).

Substance contre artificialité

Lorsque la nouvelle procédure s’appliquera, elle se concentrera donc sur des dispositifs fiscaux à visée particulière, utilisés à contre-emploi, sans substance juridique, économique ou financière, les actes n’étant que des prétextes pour se glisser dans les habits permettant de bénéficier des dispositions[8].

L’administration affirme ainsi : « Ces dispositions ne visent que les actes ou montages dépourvus de substance économique. »

On rappellera que le risque, l’enrichissement, les flux financiers, sont des indicateurs courants de la substance économique.

Conclusion

Non, le conseil fiscal n’est pas (encore) mort (avant d’autres éventuelles mesures portant atteinte à la sécurité juridique et à l’usage habile des dispositions que le législateur nous impose).

Oui, l’administration n’a pas donné (et ne donnera pas) la liste des optimisations fiscales que le contribuable pourra user sans risque particulier. Au contraire, l’usage était jusqu’à peu au moins de jeter l’opprobre sur certaines stratégies parfois non abusives[9].

Oui, il faut, encore plus que par le passé, veiller à ne pas « photocopier » des solutions qui en deviennent vides de sens, mais toujours s’attacher à les ajuster au contexte du contribuable et à insuffler de la vie, de la substance aux solutions mises en place. C’est le gage de nuits paisibles.

Florent Belon,  Olifan Group

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[1] Article L.64 A du livre des procédures fiscales et article 205 A du Code général des impôts

[2] Article L.64 du livre des procédures fiscales

[3] http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/12049-PGP.html?identifiant=BOI-CF-IOR-30-20-20200131

[4] Article L.64 du livre des procédures fiscales

[5] Voir conclusions du rapporteur public arrêt du Conseil d’Etat du 10 février 2017 – https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CRP/conclusion/2017-02-10/387960?download_pdf

[6] Conseil d’Etat 15 février 2016

[7] Conseil d’Etat 03 février 1984

[8] Pour illustration Conseil d’Etat du 25 octobre 2017

[9] https://www.economie.gouv.fr/dgfip/carte-des-pratiques-et-montages-abusifs

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