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Expertise Inégénierie Patrimoniale

#regards d'experts 9 | 3ème trimestre 2024

TVA et prestations para hôtelières : des commentaires administratifs qui ont abaissé la barre !

Rappel : la frontière contestée de la TVA en cas de location

La location de locaux à usage d’habitation est en principe hors du champ TVA. Néanmoins, en cas de fourniture de prestations de services, dans des conditions similaires à celles d’un établissement hôtelier, par le loueur ou le locataire exploitant, l’activité entre alors dans le champ TVA (article 261 D,4 b et c du CGI). La loi mentionne les 4 prestations de services qui permettent cette qualification à condition d’en proposer au moins 3 d’entre elles. Le Conseil d’Etat avait jugé incompatible la loi française avec la Directive UE TVA dans son avis du 05 juillet 2023

https://olifangroup.com/regards-d-experts/veille-jurisprudentielle-et-legislative-para-hotellerie-ou-es-tu/

 

La loi de finances pour 2024 a conservé la condition de fourniture de 3 des 4 services hôteliers et ajoute pour les hôtels et locations de courte durée une condition cumulative de durée de location de 30 nuitées maximum avec possibles reconductions. Reste que cette rédaction semblait toujours contestable à la lecture de l’avis du Conseil d’Etat du 05 juillet 2023. Il avait considéré comme trop exigeant le critère de services pour apprécier la concurrence du meublé de courte durée avec le secteur hôtelier. La loi faisait craindre une inclusion des services dans le prix de la location et non une simple proposition.

Les commentaires administratifs de la nouvelle rédaction légale sont parus en date du 07 août 2024.

https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/124-PGP.html/identifiant=BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20-20240807

 

Le maintien de la notion de proposition de services

Le texte de loi mentionne que les prestations d’hébergement « comprennent  […] au moins trois des prestations ». Doit-on comprendre, comme l’énonçaient les commentaires du Feuillet rapide fiscal Francis Lefebvre, que la délivrance deviendrait obligatoire alors que jusqu’alors les services ne devaient être que proposés ?

La position administrative est rassurante à ce sujet. Elle énonce au paragraphe n°60 la nécessité que les usagers aient « accès à au moins trois des quatre services ». Il est précisé qu’« il n’est pas exigé que ces services annexes soient effectivement fournis au client […]. En revanche, le prestataire d’hébergement doit, directement ou par l’intermédiaire de prestataires ou de mandataires […], disposer des moyens nécessaires permettant d’assurer la fourniture de ces services à l'ensemble des clients hébergés. Ils peuvent aussi bien être inclus dans le prix du séjour sans possibilité de renonciation qu'être optionnels et facturés séparément. »

Cet accès reste à prouver par le contribuable en cas de contrôle : « En tout état de cause, ils doivent être réellement proposés au client, et l’effectivité de cette proposition doit pouvoir être démontrée.

Exemple : Affichage dans les locaux, mise à disposition d'un livret d'accueil, échanges écrits avec le client, mention sur le site internet du prestataire d'hébergement, etc. »

La règle reste donc souple (pas de vente obligatoire de prestation) et qualitative (proposition sincère et capacité à répondre à la demande).

On restera néanmoins vigilant en cas de résidences services, notamment étudiantes, où les occupants n’ayant pas les moyens pour s’offrir les services, les moyens de mise en œuvre sont omis ou disparaissent ! Conseil d’Etat du 5 février 2009 n°307077 https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000020220338

Autre situation fréquente, à risque, les prestations réalisées par des prestataires externes n’intervenant ni comme exploitants hôteliers prenant à bail, ni comme sous-traitants de l’exploitant. Dans ces situations, la remise en cause de la proposition de services nécessaires remettrait en cause les déductions TVA pratiquées.

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Un assouplissement des conditions de réalisation des prestations

Les prestations doivent être réalisées dans des conditions similaires à celles d’un établissement hôtelier à l’ensemble des locataires.

Jusqu’alors, l’administration énonçait le respect des « usages professionnels ».

Ainsi :

  • le petit-déjeuner étant « servi soit dans les chambres ou appartements, soit dans un local aménagé permettant la consommation sur place des denrées, situé dans l'immeuble ou l'ensemble immobilier.
  • le nettoyage des locaux […] l'exploitant dispose des moyens lui permettant de proposer un tel service au client durant son séjour, selon une périodicité régulière. En revanche, elle devra être considérée comme non satisfaite si l'exploitant se contente d'un nettoyage au début et en fin de séjour ;
  • l'exploitant dispose des moyens nécessaires pour être en mesure de fournir pendant le séjour le linge de maison à l'ensemble des locataires ;
  • l'exploitant dispose durant la période de location des moyens nécessaires pour être en mesure de proposer un service de réception même non personnalisé de la clientèle. https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/124-PGP.html/identifiant%3DBOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20-20120912 n°40

Désormais, l’administration précise des modalités de réalisation des prestations relativement souples. « À des fins d’organisation, le prestataire peut prévoir un délai entre la commande ou la réservation du petit-déjeuner et sa fourniture effective, sans toutefois que ce délai ne prive de toute portée la possibilité offerte [de même pour les prestations de nettoyage et de fourniture de linge]. Exemple : Un prestataire d’hébergement met à disposition des clients un appareil électronique, un lien Internet ou une ligne téléphonique leur permettant de commander ou de réserver un petit-déjeuner (y compris par exemple dans une boulangerie à proximité), éventuellement sous réserve que cette commande ou cette réservation ait été effectuée avant une heure prédéterminée le jour précédent. »

 

« Cette régularité [du nettoyage et de la fourniture du linge de maison proposés] est appréciée en fonction de la durée du séjour du client et des normes d’hygiène habituelles dans le secteur de l’hébergement. Un nettoyage [ou une proposition de renouvellement du linge de maison] hebdomadaire des locaux est ainsi considéré comme suffisant. Remarque : Lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le nettoyage est au moins effectué [et le linge de maison est fourni] avant le début du séjour.

La réception « peut être assurée en un lieu unique différent du local loué lui-même, ou par l'intermédiaire d'un système de communication électronique. Il n'est pas requis qu'elle soit offerte de manière permanente. […] Exemple 3 : Un prestataire d’hébergement propose à ses clients un choix entre un accueil physique avec remise des clés en main propre et un accueil par l’intermédiaire d’un dispositif de communication électronique, avec mise à disposition des clés via une boîte à clés.» L’administration adopte des critères très accessibles aux séjours de courte durée. Est-ce suite aux démarches « développement durable » de la pratique professionnelle hôtelière limitant le renouvellement de linge de maison ? Ou plutôt en considérant que les locations de courte durée, sans proposer des services équivalents à un hôtel, sont en concurrence avec ces derniers ? Les commentaires administratifs ayant abaissé le seuil d’exigence, rendraient cette référence aux prestations de services, qui reste légale, comme presque sans objet.   > Une question ? Contactez nous  

Interrogations subsistantes

En cas fourniture de linge de maison et de ménage seulement avant le début du séjour, doit-on considérer les séjours d’une semaine et plus (nécessitant donc la proposition des prestations en cours de séjour) comme hors champs, constituant ainsi un secteur non TVA, les loyers concernés étant ainsi hors champ TVA ? Le logement est-il par conséquent l’objet d’une non affectation TVA partielle du bien, variant chaque année avec des régularisations TVA ? https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1678-PGP.html/identifiant=BOI-TVA-DED-60-10-20120912

Ces précisions relativement souples sont les bienvenues pour ceux souhaitant être dans le champ TVA. En effet, cette doctrine, intégrée dans le BOFiP est opposable à l’administration fiscale (article L.80 A du LPF).

Pour les autres, s’imposent-elles ? On peut en douter. La loi ne définit pas aussi précisément les conditions de proposition des prestations de services, faisant uniquement référence aux pratiques professionnelles hôtelières. Une discussion peut alors s’engager, notamment devant des juges.

Les juges du Conseil d’Etat avaient ainsi énoncé dans l’arrêt à l’origine de tous ces changements qu’il convenait d’« d’apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. » La jurisprudence devrait avoir dans les mois ou années à venir matière à se prononcer sur la nouvelle rédaction légale et ses commentaires administratifs lorsque l’exploitant souhaite échapper à la TVA.

On relèvera qu’en cas d’assujettissement à la TVA, lorsqu’il n’y a pas de TVA significative à déduire au titre de l’acquisition d’un logement ou de travaux, la perte fiscale devrait être limitée. En effet, le différentiel de taux de taxation (10 % sur les recettes – 20 % sur les charges) et le recours à des services d’intermédiation et de prestataires coûteux et soumis à TVA, devraient réduire de façon importante la TVA à verser.  

Définition de la para hôtellerie

La doctrine administrative établit la frontière entre location meublée et hôtellerie sous la référence BOI-BIC-CHAMP-40-10 paragraphes n°1 à 30, en se référant aux prestations de services entrainant l’assujettissement TVA (article 251, 4° b du CGI). n° https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3615-PGP.html/identifiant=BOI-BIC-CHAMP-40-10-20200205   Or ces commentaires, non mis à jour, mentionnent que « lorsque ces services sont fournis ou proposés de manière accessoire et dans des conditions non similaires aux établissements d’hébergement à caractère hôtelier, l’activité relève du régime fiscal de la location meublée. Tel est le cas par exemple si le nettoyage des locaux est effectué uniquement à l’occasion du changement de locataire, si la réception se limite à la simple remise des clés ou si la fourniture de linge n’est pas régulière. »   Doit-on considérer que les commentaires TVA estivaux sont transposables à la qualification fiscale de l’activité ? Et par conséquent que la fourniture du nettoyage et du linge de maison n’est plus nécessaire en cas de séjour inférieur à 7 jours ? Le renvoi à l’assujettissement TVA de cette doctrine devrait le permettre. Une mise à jour, et en cohérence, est néanmoins souhaitable. Doit-on considérer que la nouvelle définition de la para hôtellerie entraine un changement d’activité de l’exploitant qui jusque-là n’était que considéré comme un loueur en meublé ?   Du point de vue du droit privé en revanche, ces commentaires ne peuvent déplacer la frontière entre la location meublée, civile, et la parahôtellerie, commerciale. Les copropriétés ne devraient ainsi pas pouvoir s’appuyer sur cette définition pour refuser l’exploitation en location de courte durée d’un logement en cas de clause d’occupation bourgeoise. Mais si l’on souhaite bénéficier de la qualification de para hôtellerie au sens fiscal, ne devrait-on pas s’inscrire au RCS en cas d’exploitation en nom propre ?   > Une question ? Contactez nous  

La suite ?

Les changements risquent de se poursuivre. La TVA est un sujet encadré par la règlementation de l’Union européenne. La proposition de Directive UE dite Vida (Prop. Dir. COM/2022/701) prévoit que la location de logements de courte durée, c'est-à-dire la location ininterrompue d'un logement pour une durée maximale de 45 jours, accompagnée ou non d'autres services accessoires, devrait être considérée comme un secteur similaire par sa nature au secteur hôtelier et ne pourrait donc pas être exonérée de TVA. (Art. 2, point 7 ; Dir. TVA art. 135, 3 nouveau).

La fin du débat métaphysique relatif aux prestations de services ?


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