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Expertise Ingénierie Patrimoniale

Regards d'Experts #5 | 2ème trimestre 2023

Veille jurisprudentielle et législative

Qui doit être informé des clauses bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie ?

Cass. civ. 1re, 13 avr. 2023, n° 21-20.272, F-B

L’assurance-vie est sous les feux des projecteurs depuis ce début d’année 2023. En effet, plusieurs arrêts ont été rendus, portant sur l’appréciation des primes manifestement exagérées (CA Paris, 23 janv. 2023, n° 21/01804), sur l’insanité d’esprit du stipulant de clauses bénéficiaires (Cass. civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-12.875, F-D) ou sur les obligations de l’assureur (Cass. civ. 1re, 13 avr. 2023, n° 21-20.272, F-B). « Placement préféré des français » et outil indispensable de la gestion de patrimoine, l’assurance-vie n’a donc pas fini de faire parler d’elle, notamment du fait des enjeux fiscaux.

L’assureur a certaines obligations [1] : il doit, en effet, en cas de décès de l’assuré d’un contrat d’assurance-vie, rechercher le bénéficiaire et si cette recherche aboutit, l'aviser de la stipulation effectuée à son profit. En complément et sur demande, il doit également communiquer la date de souscription des contrats et le montant des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré(e).

Dans l’affaire présentée le 13 avril 2023 devant la Cour de cassation, une tante avait souscrit plusieurs contrats d’assurance-vie au profit de ses neveux et les primes avaient été versées après ses 70 ans, soumettant celles-ci aux droits de mutation par décès sur la fraction excédant 30 500 € (art. 757 B du CGI) calculés en fonction du lien de parenté (60% en l’espèce).

Au décès de leur tante, les neveux reçoivent un courrier les informant de leur qualité de bénéficiaires de contrats d’assurance-vie ainsi que le certificat à adresser à l’administration fiscale afin de pouvoir s’acquitter des droits de succession dus. L’un des trois neveux, sous curatelle, n’a cependant jamais ouvert ses courriers et n’a donc pas pu régler les droits de succession afférents aux contrats en cause.

Deux ans plus tard, le neveu placé sous mesure de curatelle fait l’objet d’un redressement fiscal (droits de successions et intérêts de retard) dont le montant en jeu est de plus ou moins 500 000 €. Le neveu et l’association chargée de la curatelle assignent alors en responsabilité et indemnisation la notaire et la SCP notariale pour absence d’information.

La notaire et la SCP se retournent alors contre l’assureur. Les juges de Cour d’appel condamnent la notaire à indemniser le neveu pour le montant des intérêts de retards et l’assureur à prendre en charge le paiement à hauteur de 50%.

La difficulté tenait ici dans l’appréciation des obligations d’informations de l’assureur. Était-il tenu d’informer le notaire de l’existence des contrats d’assurance-vie ? Rappelons en l’espèce que la notaire chargée de la succession avait effectué des démarches auprès de l’assureur concernant l’existence de contrat de capitalisation. Malgré cela, du fait de l’absence de demande spécifique de la part du notaire pour les assurances-vie, la compagnie d’assurance n’a, dès lors, pas communiqué sur ces contrats.

La Cour de cassation casse et annule la condamnation de l’assureur en retenant qu’il n’a aucune obligation légale de faire connaître l'existence des contrats d'assurance-vie au notaire chargé de la succession, si celui-ci ne lui en fait pas expressément la demande.

CONSEILS :

  • Il est possible, même pour un bénéficiaire sous curatelle, d’accepter la clause d’un contrat d’assurance-vie (acte d’administration) ce qui aurait permis, dans notre cas d’espèce, de disposer de l’information par anticipation. En pratique, il faut relever que les assureurs sont assez réticents du fait des risques. Le souscripteur ne pourra plus modifier la clause ou effectuer des rachats sans l’accord du bénéficiaire. Si l’on ajoute à cela l’existence d’une mesure de protection, toute opération sur le contrat deviendra extrêmement délicate ;
  • Il est nécessaire de porter une attention toute particulière à la rédaction des clauses bénéficiaires. Plus elle sera précise, plus les contentieux et omissions seront évités. Il est par exemple tout à fait possible de mentionner qu’un bénéficiaire est sous mesure de protection en renseignant les coordonnées du curateur ;
  • En présence de primes versées avant les 70 ans de l’assuré (990 I CGI) celles-ci étant, en principe, hors succession, le notaire n’a pas vocation à s’en préoccuper. Par ailleurs, même en présence de primes relevant de l’article 787 B CGI [2], l’information ne circule pas toujours de manière fluide entre le notaire et l’assureur ce qui peut être source de contentieux ou redressements fiscaux (arrêt précité) Nous recommandons dès lors d’utiliser FICOVIE. Ce fichier recense les contrats d’assurance-vie ou les placements de même nature permettant aux personnes (sous certaines conditions) d’obtenir des informations sur les contrats dont ils sont bénéficiaires ;
  • Nous ne pouvons qu’inciter à une transparence totale vis-à-vis du notaire lors des situations de succession afin de faciliter l’échange d’information et la sécurité juridique.

Références :

[1] issues, notamment, de l’article L 132- 8 dernier alinéa du code des assurance et de l’article 292 A, alinéa 2 du code général des impôts

[2] primes versées après 70 ans et soumises aux DMTG pour la fraction excédant 30 500 €


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