Prévoyance et Retraite

Prévoyance et Retraite | 31-03-2015

Retraite : Le proche dépôt de bilan des complémentaires

Retraite : le proche « dépôt de bilan » des complémentaires ?

1.    Retraites complémentaires : les mesures douloureuses sur la table des négociations

Sauver les régimes complémentaires Agirc et Arrco, c’est la délicate mission à laquelle les partenaires sociaux (organisations patronales et syndicats) vont devoir s’atteler à compter du 17 février.  Et elle promet d’être périlleuse, d’autant que les mesures d’urgence prises en 2013 n’ont pas suffi ! Pour payer les 70 milliards d’euros de pensions de retraite versées chaque année à quelque 14,6 millions de retraités, les régimes Agirc et Arrco sont toujours obligés de puiser dans leurs réserves financières. En 2013, leur déficit atteignait déjà 4,4 milliards d’euros et si rien n’est fait, il pourrait grimper à 20 milliards d’euros en 2040. Pire, les réserves de l’Agirc (dont relèvent 4 millions de cadres) pourraient être totalement épuisées dès 2018, celles de l’Arrco (auxquelles contribuent 18,1 millions de salariés) d’ici 2024 !

Pendant des années, ces deux régimes ont encaissé plus de cotisations qu’ils ne versaient de pensions, ce qui leur a permis d’accumuler une réserve de plus de 62 milliards d’euros. Le hic, c’est que, depuis 2009, la montée du chômage plombe les rentrées de cotisations assises sur la masse salariale et que le nombre de départs en retraite s’accélère. Résultat : il n’y a plus qu’un seul cotisant pour 0,6 retraité. Et la situation ne devrait pas s’améliorer avec les départs en retraite de la « génération baby-boom » : en 2040, l’Arrco comptera 0,8 retraité pour un cotisant ; l’Agirc 0,9 retraité pour un cotisant. D’où la nécessité de prendre de nouvelles mesures d’urgence pour faire des économies, mais aussi générer de nouvelles rentrées d’argent. Sauf que syndicats de salariés et patronat n’ont pas vraiment les mêmes remèdes.

Augmenter les cotisations à l’Agirc

C’est la solution préconisée par la CGT : augmenter les cotisations Agirc de 2,45 points sur la tranche comprise entre 1 et 4 fois le plafond de la sécurité sociale (à savoir, 3.170 euros par mois), supportées à 62% par les employeurs et à 38% par les cadres. Conséquence : ces cadres verraient leur salaire net baisser. « Pour un salaire brut de 4.000 euros, cela représente une augmentation de cotisation pour le salarié de 7,40 euros pas mois », a récemment confié à l’AFP, Sylvie Durand, la représentante de la centrale de Montreuil au sein du GIE Agirc Arrco. A en croire le syndicat cette solution permettrait au régime de revenir à l’équilibre dès 2023.

Fusionner les deux régimes

Dans un rapport publié en décembre dernier, la Cour des comptes suggérait de réunir l’Agirc et l’Arrco en un seul et unique régime, ce qui permettrait réaliser des économies d’échelle (100 millions d’euros), et surtout de mutualiser les réserves. Le problème, c’est qu’un tel mariage remettrait en cause le statut même de cadre. La CFE-CGC y est donc vivement opposée. « Cela pose des questions au-delà du régime des retraites, par exemple sur le devenir de l’Association pour l’emploi des cadres pour laquelle ils cotisent chaque mois », prévient Jacques Martel, administrateur de l’Union nationale interprofessionnelle des retraités (UNIR) de la CFE-CGC et membre de la commission de contrôle du GIE Agirc Arrco.

Suppression du système de la Garantie minimale de points (GMP)

Par mesure d’économie, une suppression progressive de la garantie minimale de points à partir de 2016 est envisagée. Cette disparation progressive s’étalerait sur 3 pu 4 ans. Actuellement, tous les salariés qui ont le statut de cadre mais qui gagnent moins que le plafond de la sécurité sociale (à savoir, 3.170 euros mensuels en 2015) cotisent sur la base d’un forfait qui leur permet d’acquérir automatiquement 120 points Agirc. Ce dispositif coûte très cher à l’Agirc, qui a de moins en moins de cotisants avec des salaires élevés. L’une des solutions envisagées serait donc de réduire progressivement le nombre de points accordés, de 120 actuellement à 90 en 2016, puis 60 en 2017 pour tomber à 30 en 2018 avant une suppression totale en 2019. Si la GMP disparaissait totalement, les cadres – ils sont environ 800.000 – percevraient alors un salaire net plus élevé ; mais une moindre pension une fois à la retraite. Une mesure qui est loin de faire l’unanimité. La CGT propose, au contraire, d’augmenter la GMP. Pour compenser, le syndicat propose d’aligner les salaires des femmes sur ceux des hommes, ce qui augmenterait mécaniquement les recettes des régimes.

Baisser le taux et l’âge minimum des pensions de réversion

Actuellement, le montant de la pension versé au conjoint de l’assuré décédé correspond à 60% de la retraite du défunt. Le Medef propose donc deux options : soit abaisser ce taux à 50%, voire même 33%, soit rester à 60% mais, en contrepartie d’une pension minorée pour l’assuré. Des évolutions tout à fait probables, le taux de réversion étant déjà plus bas à 54% dans le régime de base ; 50% à l’IRCANTEC (régime des fonctionnaires). Autre piste à l’étude : unifier l’âge minimum permettant de toucher la réversion à 60 ans (actuellement, 55 ans pour l’Arrco, 60 ans pour l’Agirc). Une proratisation en fonction de la durée du mariage est aussi à l’étude, comme c’est le cas actuellement pour les assurés ayant été mariés plusieurs fois.

Pérenniser la Contribution exceptionnelle et temporaire (CET)

Cette cotisation de solidarité, appelée CET, a été mise en place par le régime Agirc en 1997 pour maintenir l’équilibre des caisses de retraite. L’idée est donc de l’étendre à tous les salaries de l’Arrco. Actuellement payée uniquement par les cadres, elle ne donne aucun point de retraite supplémentaire. « Ce nouveau prélèvement viendrait diminuer les rémunérations nettes des salariés », prévient Jacques Martel de la CFE-CGC.

Augmenter l’âge légal de départ en retraite

Pour sauver les régimes complémentaires, les Sages de la Cour des comptes préconisent aussi d’allonger l’âge légal de départ à la retraite de 2 ans. Pour les régimes complémentaires, l’âge minimum de départ à la retraite passerait de 62 à 64 ans, pour déclencher le versement de sa retraite complémentaire, comme le suggéraient récemment  les sénateurs dans un amendement déposé au détour du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2015 . L’âge de la retraite à taux plein (sans décote) passerait lui de 67 à 69 ans. Une idée qui semble remporter les faveurs du patronat, mais qui risque de mettre en rogne les syndicats de salariés.

Pratiquer des abattements sur les pensions perçues entre 62 et 67 ans

Voilà une autre suggestion défendue par le Medef, qui promet de faire grincer des dents. Le principe : les salariés cadres et non cadres pourraient toujours partir en retraite à 62 ans, mais le nombre de points acquis serait minoré, et ce, même s’ils respectent la durée de cotisation exigée dans le régime de base. Ainsi quelle que soit la durée de cotisation de l’assuré, tous les droits liquidés avant 67 ans feraient l’objet d’un abattement forfaitaire compris entre 10% et 50% sur leur pension de retraite complémentaire. Par un exemple, un assuré qui liquiderait sa retraite à 62 ans, verrait sa pension complémentaire diminuée de 10% la première année, puis 8% l’année suivante, puis 2% et enfin 1% l’année de ses 66 ans. Cela permettrait un retour à l’équilibre dès 2020 des comptes des régimes complémentaires avec un abattement maximal de 10%, dès 2019 si celui-ci grimpe à 50%. Concrètement, au-delà des économies réalisées sur les pensions versées, l’objectif est surtout d’inciter les salariés à reculer l’âge de leur départ en retraite, s’ils ne veulent pas percevoir une pension rabotée.

2.    Retraites complémentaires : le coup de massue qui pend au nez des cadres

Peu connu et complexe, le mécanisme de l’AGFF en vigueur jusqu’en 2018 pourrait bien disparaître dans le cadre des négociations Agirc Arrco, avec de lourdes conséquences sur les pensions de retraites complémentaires des cadres. Voici les simulations réalisées par le cabinet Optimaretraite.

Les discussions en cours des partenaires sociaux visent à sauver les régimes complémentaires. Pour cela, toutes les solutions devraient être envisagées, y compris la non reconduction de l’accord AGFF, qui n’est valable que jusqu’au 31 décembre 2018. Certes, un tel choix améliorerait certainement la situation des régimes Arrco et Agirc, mais qu’en serait-il pour les futurs retraités ?

Pour rappel, l’ AGFF (Association pour la Gestion du Fond de Financement) permet aux salariés de partir à la retraite à taux plein dans tous leurs régimes (base et complémentaires) dès l’âge légal. Pour percevoir sa retraite complémentaire, il faut en effet avoir entre 65 et 67 ans selon sa génération. Ceux qui liquident leur retraite de base à l’âge légal, à savoir 62 ans, peuvent donc toucher leur pension complémentaire sans minoration, et ce, grâce à ce fameux accord AGFF. Sans ce dispositif, les pensions Arrco et Agirc seraient liquidées à l’âge légal avec une perte de 22%. C’est donc cet organisme, qui compense le surcoût grâce aux cotisations AGFF payées par les salariés. Concrètement, ce mécanisme permet de prendre en compte la durée d’assurance, et non uniquement, l’âge au moment de la liquidation des droits, pour calculer la décote appliquée aux pensions Agirc et Arrco. Seuls les points Agirc acquis au-delà de 152.160 euros en 2015 (tranche C) ne bénéficient pas de ce système.

Pour mesurer l’impact financier de la disparition de l’AGFF pour les futurs retraités, nous avons pris les exemples de 3 salariés, tous nés en 1959, dont un non-cadre rémunéré 3.000 euros, deux cadres rémunérés respectivement 6.000 euros et 14.500 euros ; puis nous avons estimé le manque-à-gagner s’ils décidaient de prendre leur retraite à 62 ans, l’âge légal dans le régime de base.

Sans surprise, les plus touchés seraient ceux qui ont acquis un grand nombre de points dans leurs régimes complémentaires. La baisse de pension que cela impliquerait les obligerait sans aucun doute à réviser leur date de départ à la retraite. D’après les simulations ci-dessous, un cadre né en 1959 qui liquiderait sa retraite de base à 62 ans, dont le salaire brut mensuel est de 14.500 euros, perdrait en effet 14,89% sur sa pension nette (soit 9.128 euros par an et 760,73 euros par mois), et ce, jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge du taux plein dans le régime complémentaire.

Exemple 1 : Né le 28 juin 1959, Monsieur X est salarié non cadre avec un salaire brut mensuel de 3.000 euros. A fin 2014, il totalise 141 trimestres ainsi que 4.408 points ARRCO.

Avec AGFF :

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Sans AGFF :

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Exemple 2 : Né le 20 mars 1959, Monsieur Y est salarié cadre avec un salaire brut mensuel de 6.000 euros. A fin 2014, il totalise 143 trimestres ainsi que 5.350 points Arrco et 15.000 points Agirc.

Avec AGFF :

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Sans AGFF :

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Exemple 3 : Né le 8 juin 1959, Monsieur Z est salarié cadre supérieur avec un salaire brut mensuel de 14 500 €. A fin 2014, il totalise 141 trimestres ainsi que 5.555 points Arrco,  62.560 points Agirc TB et 6.100 points Agirc Tranche C.

Avec AGFF

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Sans AGFF

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Marc Darnault (Optimaretraite)

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