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Vulnérabilité | 18-06-2019

Les aspects bancaires de la réforme du droit des majeurs protégés

Les aspects bancaires de la réforme du droit des majeurs protégés

  • Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, a. 9, I, 3° : JO du 24 mars

« La personne chargée de la mesure de protection ne peut pas procéder à la clôture des comptes ou livrets ouverts, avant le prononcé de la mesure, au nom de la personne protégée. Elle ne peut pas non plus procéder à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un nouvel établissement habilité à recevoir des fonds du public ». Que signifie le nouvel alinéa 1er de l’article 427 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 ?

1.Un principe assorti d’exceptions tempérées.

Observez d’abord la tournure négative de ce texte : « ne peut pas », « ne peut pas non plus » ! L’article 427 du Code civil était – dans sa première rédaction issue de la loi du 5 mars 2007 – et demeure – depuis sa nouvelle rédaction par la loi du 23 mars 2019 – le siège d’un principe. Le principe de l’immutabilité des comptes signifie que l’ouverture d’une mesure de protection juridique ne doit avoir aucune incidence sur la domiciliation bancaire du majeur protégé. La personne en charge de la protection de ses biens doit respecter les choix et la confiance que le sujet protégé a placée dans tel ou tel établissement de crédit. De surcroît, en régime de représentation, la personne en charge de la protection doit payer les dettes et percevoir les revenus du sujet protégé à partir des comptes bancaires dont il est titulaire.

Le principe de l’immutabilité des comptes bancaires est toutefois relatif. L’alinéa 2 subordonne le changement des comptes ou des livrets à une autorisation du juge des tutelles. Aussi flexible que la loi du 5 mars 2007, la loi du 23 mars 2019 se montre plus précise dans l’aménagement du principe. Seuls les comptes ou livrets ouverts avant le début de la mesure de protection ne peuvent pas être clos sans autorisation du juge. Seul le juge en effet peut neutraliser une décision prise par le majeur protégé avant qu’il ne soit protégé. C’est dire en revanche que le nouveau compte ou livret ouvert par un MJPM (ou un protecteur familial) sur autorisation du juge après l’ouverture de la mesure depuis le 1er janvier 2009, peut (depuis le 25 mars 2019) être clos… sans autorisation du juge (Comp. Cass., 1e civ., avis, 6 déc. 2018, n°18-70.012 ; AJ famille 2019, p. 39, note G. Raoul-Cormeil). C’est logique dès lors que la confiance dans l’établissement de crédit n’avait pas été manifestée par le majeur protégé ; elle peut être retirée sans le contrôle du juge. De même, seule l’ouverture des comptes ou livrets dans un nouvel établissement de crédit restent subordonnée à une autorisation du juge. Cette 2e exception au principe de l’immutabilité des comptes bancaires posent 3 difficultés.

2.La notion de « nouvel établissement ».

D’abord, qu’est-ce qu’un nouvel établissement de crédit? La loi du 23 mars 2019 ne le dit pas. Et la circulaire de la Chancellerie n’ajoute que de la confusion en faisant référence au compte habituel. Si, par exemple, le majeur protégé a des comptes ou livrets dans 3 établissements de crédit distincts, la personne en charge de la mesure a le choix de retenir comme compte de fonctionnement n’importe lequel des 3, sans avoir à solliciter le juge. En revanche, si elle souhaite ouvrir un compte ou livret dans un 4e établissement, il lui faudra une autorisation judiciaire. Un « nouvel établissement » peut être défini de deux manières : soit il fait référence à l’agence locale, soit il fait référence à une enseigne commerciale. Dans l’esprit de la loi du 5 mars 2007, il faudrait rechercher la volonté du majeur protégé pour savoir en qui il a donné sa confiance : l’enseigne ou le personnel de l’agence locale. Entre ces deux interprétations possibles, la parole du majeur protégé risque d’être insondable ou de peu de poids face aux usages bancaires ou judiciaires. Et l’informatique bancaire tranchera. Si la personne en charge de la mesure parvient à déplacer le compte du majeur protégé dans une autre agence de la même enseigne sans avoir à modifier le numéro de compte, la nouvelle agence ne sera pas un nouvel établissement. Dans le cas contraire, il faudra une autorisation judiciaire !

3.L’autorisation du juge des tutelles.

Lorsqu’il doit donner son autorisation, le juge des tutelles doit être saisi par une requête qui mette en avant l’intérêt du majeur protégé à ouvrir un compte ou livret dans un nouvel établissement ou à clore un compte qu’il a ouvert avant le début de la mesure. Cet intérêt peut être personnel, patrimonial ou mixte. Ainsi, par exemple, les frais de tenue du compte sont élevés par rapport à la concurrence ! Ou le système informatique est complexe ou défaillant ! Ou encore le personnel bancaire ou les locaux dans lesquels ils exercent ne permettent pas de respecter la confidentialité des demandes du majeur protégé ! Ou enfin le compte est resté inactif pendant une trop longue durée ! La volonté du majeur protégé est un argument mais il doit être renforcé par son intérêt… au cas par cas. C’est dire que le juge des tutelles (Tel que : TI Montbrison, ord., 9 avril 2016) qui donnerait une autorisation générale à un MJPM de son ressort d’ouvrir un compte bancaire dans n’importe quel établissement violerait la loi pour ne pas avoir précisé l’intérêt du majeur protégé. Une telle ordonnance serait illégale (V. déjà : Cass., 1e civ., 28 janvier 2015, n°13-26.363 P ; La Semaine Juridique, éd. Entreprises et affaires, n°14, 2 mars 2015, n°1168, p. 52 à 56, note G. Raoul-Cormeil). L’autorisation du juge ne suffit donc pas à caractériser l’intérêt du majeur protégé. Est-il besoin de rappeler qu’un MJPM est un auxiliaire de justice qui, par son serment (CASF, art. R. 471-2), doit agir loyalement, c’est-à-dire légalement. Il est de son devoir d’interjeter appel d’une autorisation illégale !

4.La distinction du compte ou livret.

En droit bancaire, le compte et le livret se distinguent nettement. Mais les rédacteurs du Code civil ont refusé de distinguer en matière de protection juridique des majeurs. La loi du 23 mars 2019 reste, ici aussi, sur la même ligne que la loi du 5 mars 2007. Les comptes et les livrets obéissent au même régime juridique, comme l’a rappelé l’une des circulaires émanant de la Chancellerie. Malheureusement l’article 501 du Code civil n’a pas repris les deux notions. Ce texte précise : « Le tuteur peut toutefois, sans autorisation, placer des fonds sur un compte ». Il aurait dû inclure « ou sur un livret ». Pour cette lacune, des établissements de crédit vont refuser d’appliquer l’exception et exiger, comme pour le principe de l’emploi ou du remploi, que le placement soit subordonné à une autorisation du juge. Cette difficulté pratique aurait pu être évitée si les rédacteurs du texte s’étaient montrés plus rigoureux. À dire vrai, la nouvelle règle tombait sous le sens. Un tuteur a toujours pu déposer des sommes d’argent sur un compte et même les placer sur un livret. L’acte d’épargner est de pur bon sens et n’appelle aucun contrôle (acte d’administration). C’est le prélèvement sur l’épargne qui est suspect et exige un contrôle (acte de disposition). Ainsi, l’assurance-vie est le seul placement qui soit subordonné, en tutelle, à une autorisation du juge en raison de la clause-bénéficiaire. La loi du 5 mars 2007 exigeait naguère cette précaution même en curatelle mais la loi du 17 décembre 2007 l’a supprimée avant que l’article L. 132-4-1 du Code des assurances n’entre en vigueur ! Le professeur Jean Hauser a développé sur ce point une forte critique !

5.La variété des mesures de protection maintenant.

L’article 427 du Code civil s’en tient à la personne en charge de la mesure de protection ; il pose une limite à son pouvoir de représentation. Ce texte ne vise pas le majeur protégé. Il ignore la classification des actes d’administration et des actes de disposition parce qu’il ne pose aucune incapacité juridique. C’est dire qu’en pratique un majeur protégé pourra seul, ou ne pourra pas sans être assisté ou représenté, ouvrir ou clore un compte bancaire. Il faudra être attentif à la nature de la mesure de protection et aux effets de la convention bancaire sur son patrimoine. Mais c’est un autre sujet (Sur lequel, v. « L’ouverture du compte bancaire pour un majeur protégé », écrit avec Jérôme Lasserre-Capdeville, RD bancaire et financier, Mai-juin 2013, Dossier 24).

Gilles Raoul-Cormeil, Professeur des Universités, membre du Groupe de travail interministériel sur l’évolution de la protection juridique des majeurs

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