Investissement Financier
Investissement Financier | 12-09-2025
Management package : des commentaires administratifs peu éclairants et critiquables !
Loi de finances pour 2025 : Rappel
La question des managements packages est ancienne. Comment ne pas souhaiter ou ne pas fantasmer sur l’évasion du régime des salaires dont les taux de prélèvements fiscaux et sociaux sont écrasants au profit d’une fiscalité sur le capital plus favorable, bien que forte ?
La loi a développé des mécanismes bien identifiés via les actions attribuées gratuitement, les BSPCE (ou stock-options avant que la fiscalité ne les tuent).
Restaient les autres mécanismes (actions, actions de préférence, BSA) pouvant bénéficier d’effet de levier propres ou adossés à une société, souvent endettée, pour lesquels l’administration réalisait des contentieux lorsque les éléments constitutifs d’un investissements (montant de l’investissement, prix sincère, risque de perte…) étaient absents au profit d’un lien avec le contrat de travail ou le mandat social.
Ainsi les opérations étaient présumées relever de la fiscalité du capital sous réserve de requalification.
La loi de finances pour 2025 a remis en cause, dans son article 93, cette situation au profit d’une situation qui pourrait être une présomption fiscale de salaire au-delà d’un multiple de gain.
Ces dispositions sont codifiées à l’article 163 bis H du Code général des impôts.
Nous avions commenté ces dispositions dans un article précédent, qui ne se faisait que peu d’illusions : Management package : du brouillard au purgatoire !
Commentaires administratifs
Des échanges entre l’administration et les praticiens et organisations professionnelles ont suivi la publication de la loi de finances pour 2025, dont la mesure concernant les management package a pris tout le monde de cours.
Des commentaires BOFiP étaient promis courant mai, ainsi que des dispositions dans la loi de finances pour 2026 pour assouplir/préciser certains points, notamment un report d’imposition pour permettre un réinvestissement sans fiscalité immédiate.
L’administration a publié des commentaires dans la base BOFiP, soumis à consultation publique, en date du 23 juillet.
https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/14672-PGP.html/identifiant=BOI-RSA-ES-20-60-20250723
Titres concernés
Nature des titres
Tous les titres en capital ou donnant accès au capital sont possiblement concernés :
BSA, AGA, actions de préférence (ADP) et même actions ordinaires …
Ceci ne rassurera pas ceux qui souhaitent limiter l’étendue de l’incertitude, mais est, en tous cas, cohérent avec la rédaction du texte de loi.
Acquisition en contrepartie de fonctions de salarié ou de dirigeant
L’administration confirme que le dispositif concerne des titres dont le « gain net est acquis non à raison de la qualité d’investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant. » (n°170)
[Ndlr : mais cet avantage est requalifiable en salaire de droit commun soumis à cotisations sociales !]« La circonstance que les titres aient pu être acquis à un prix inférieur à leur valeur réelle à la date d’acquisition ou de souscription ne permet pas de conclure que le gain réalisé ultérieurement, notamment lors de la cession des titres, a été acquis en contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant du bénéficiaire. »
L’administration énonce des critères :
« L’existence d’une contrepartie est notamment déterminée au regard de :
- l’atteinte de niveaux de performance, soit de l’entreprise soit de l’investissement réalisé par d’autres investisseurs dans l’entreprise (évaluée, par exemple, par un taux de rendement interne minimum) ;
- l’obligation faite au salarié ou au dirigeant de respecter certaines stipulations contractuelles telles qu’une clause de non-concurrence, une obligation de loyauté-exclusivité envers la société émettrice des titres, sa « société mère » ou sa « société fille », une clause d’incessibilité des titres, des clauses encadrant les conditions de cession des titres (obligation ou droit de sortie conjointe en cas de cession par les actionnaires majoritaires) ou encore une promesse de vente ou d’achat des titres du salarié ou du dirigeant en cas de cessation des fonctions (départ, décès) ou de violation de ses engagements. »
Ndlr : Il semble contestable qu’une simple clause d’incessibilité puisse caractériser une contrepartie aboutissant à la fiscalité spécifique management package.
Les échanges informels antérieurs rapportés mentionnaient que les clauses de leaver ne seraient pas centrales dans le raisonnement (sauf si elles entraînent une modulation de la valeur potentiellement).
[Mais] « Remarque 1 : La circonstance que les titres aient été attribués, acquis ou souscrits en raison des fonctions exercées par le salarié ou le dirigeant dans la société émettrice de ces titres, sa société mère ou sa société fille ne permet pas, à elle seule, d’apprécier si le gain réalisé lors de la disposition, cession, mise en location ou conversion des titres, est acquis en contrepartie de ces fonctions. »Ainsi une ouverture du capital aux seuls salariés n’est pas de nature à entrainer seule l’entrée dans le champ d’application des dispositions.
« Remarque 2 : La durée de détention des titres ne constitue pas, en tant que telle, un critère pouvant être retenu pour caractériser l’absence d’une contrepartie.
« Remarque 3 : La circonstance que des stipulations contractuelles aient été révoquées au cours d’une période de détention de titres souscrits, acquis ou attribués dans le cadre de « management packages » ne prive pas l’administration d’en tenir compte pour apprécier l’existence d’une contrepartie. »
L’administration énonce même des situations concernées a priori :
« L’existence d’une contrepartie est notamment établie lorsque le salarié ou le dirigeant :
- bénéficie de tout type de mécanisme lui permettant de percevoir, lors de la cession ou de la disposition de ses titres, sous réserve de l’atteinte de critères de performance, un gain distinct de celui auquel sa part dans le capital devrait lui donner droit (à titre d’illustration, cas des ADP dites « ratchet ») ;
- détient des actions (ordinaires ou de préférence) acquises dans le cadre d’une opération dite de « sweet equity » qui lui permet de détenir une quote-part du capital de la société émettrice des titres plus importante que celle à laquelle il aurait pu prétendre, pour un investissement équivalent, si les autres actionnaires avaient également investi exclusivement dans des titres de capital. »
Viser de façon absolue et irréfragable des titres relevant de sweet equity sans éléments particuliers apparait critiquable. En effet, la dette n’est pas gratuite, le risque porté par une structure endettée n’est pas le même. Il n’y a pas d’avantage au sens propre, sauf à bénéficier d’un coût de la dette sous-évalué, mais seulement un profil de rendement/risque différent.
Gains
- La loi prévoit désormais que le gain de cession d’un titre concerné par ce régime est soumis à un régime hybride :
- * la fraction du gain net qui excède trois fois la performance financière de la société émettrice des titres est assujettie au régime des traitements et salaires ;
- * la fraction en-deçà de ce plafond bénéficie du régime des plus-values.
- L’administration précise que le calcul est réalisé à chaque cession (vente ou apport).
- Le calcul est réalisé en faisant masse des titres concernés d’une même opération (AO, ADP…) sauf en cas d’acquisition à des dates différentes où les calculs se font par date d’acquisition.
Exception en cas dates rapprochées avec rattachement à un accord cadre ou assimilé. - L’administration ne définit pas la notion de valeur réelle des capitaux propres servant au calcul du multiple de la performance financière. On devra se référer à l’usage dans le monde du non coté.
Attention au calcul de la performance financière, il s’agit de la hausse des capitaux propres sur la société opérationnelle, et non de la performance financière réalisée sur le véhicule ! - L’administration fait fi des difficultés à obtenir les données en cas d’opération individuelle (apport à holding, donation/décès, départ à l’étranger) en cours d’exercice, pour lesquelles l’obtention d’un multiple de performance financière sera très difficile voire impossible.
L’administration indique qu’une attestation pourrait être fournie par le groupe, mais aucune obligation ne s’impose au groupe… - Le gain inférieur au multiple de performance est imposé selon le régime de droit commun, l’administration précise que cela inclut le bénéfice des différés d’imposition.
Des interrogations demeurent au sein des praticiens sur l’efficacité des donations avant cession sur ce gain, en raison d’une rédaction d’un renvoi ambigüe au I-3ème alinéa.
En l’absence de commentaires excluant l’efficacité des donations avant cession sur le gain relevant du régime de droit commun et en présence de renvoi général à ce régime, on peut être relativement optimiste. Néanmoins, les éléments de renvoi ne permettent pas de s’assurer de l’application de l’article L.80 A du LPF offrant une opposabilité de la doctrine administrative.
Le doute devrait être écarté dans la mise à jour à venir des commentaires.
PEA
- Le gain net réalisé sur les titres concernés inscrits dans un PEA (ou PEA-PME) ne bénéficie pas de l’exonération d’impôt sur le revenu attachée à leur placement dans le plan.
Cette disposition s’applique-t-elle à l’ensemble du gain ou seulement à la quote-part supérieure au multiple de performance financière ?
Report d’imposition
Les échanges informels du printemps 2025 laissaient espérer un report d’imposition du gain taxable selon les règles des traitements et salaires.
Une disposition légale est pour cela nécessaire et le projet de loi de finances pour 2026 aurait pu l’accueillir.
Aucune remarque n’est présente dans les commentaires administratifs et la publication du projet de loi de finances pour 2026 s’éloigne suite à l’instabilité gouvernementale.
Exit tax
La question de l’exit tax a animé de nombreux praticiens.
De façon littérale, elle ne concerne que des plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux. La taxation selon le régime des salaires devrait écarter son application.
La question de l’imposition du gain alors que le bénéficiaire des titres est devenu non résident est, elle, beaucoup plus ouverte, selon les conventions et leur interprétation.
L’administration n’apporte aucun commentaire à ce stade.
Entrée en vigueur
L’administration énonce que le gain net retiré d’une opération, portant sur les titres actuellement concernés, réalisée avant le 15 février 2025, n’est pas concerné par le régime spécifique d’imposition.
Les opérations d’apport (différé d’imposition) ou de donation ou décès (purge des gains concernés) réalisée avant le 15 février ont ainsi porté tous leurs effets !
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