Vulnérabilité
Vulnérabilité | 29-11-2020
Épargne handicap : un droit refusé aux moins de 16 ans
Malgré une réglementation sans équivoque, banquiers et assureurs continuent à refuser l’épargne handicap aux mineurs de moins de 16 ans. Ils privent ainsi leurs parents des avantages fiscaux attachés à cette option. En France, 500 000 jeunes sont concernés. Il est temps de se mobiliser pour mettre fin à cette incohérence.
Créée en 1987 et confirmée par la loi de 2005, l’épargne handicap est réservée aux personnes touchées par une invalidité. Celles-ci bénéficient sur les contrats d’assurance-vie ouverts à leur nom de plusieurs avantages. D’abord, une réduction d’impôt de 25%, dans la limite d’un plafond de versements annuels de 1 525 euros. Ensuite, une exonération totale des prélèvements sociaux à 17,2% sur les plus-values.
Enfin, ces plus-values n’entrent pas en compte dans le calcul de leurs revenus pour l’attribution des aides sociales.
Un refus unanime des banquiers et assureurs
Le législateur a fixé une limite d’âge implicite : l’épargne handicap fonctionne jusqu’à la liquidation des droits à la retraite du bénéficiaire. On pourrait donc croire qu’elle est acquise d’office pour un mineur dont les parents ouvriraient un contrat d’assurance vie à son nom. Mais dans la pratique, c’est impossible.
« Banquiers et assureurs refusent si l’enfant a moins de 16 ans, déplore Hamed Ayachi, consultant Personne vulnérable chez Olifan Group. Nous le constatons depuis des années et quatre grands assureurs nous ont encore confirmé cette position récemment. »
Trop jeune pour travailler, trop jeune pour l’épargne handicap ?
Pourquoi ce refus ? Au nom d’une interprétation discutable d’un article de la loi de 2005. Celui-ci dispose que les bénéficiaires de l’épargne handicap doivent être « atteints d’une infirmité qui les empêche » :
- soit de se livrer, dans des conditions normales de rentabilité, à une activité professionnelle,
- soit, s’ils sont âgés de moins de dix-huit ans, d’acquérir une instruction ou une formation professionnelle d’un niveau normal.
Les services juridiques des banquiers et assureurs se sont arrêtés au premier cas : l’incapacité à exercer une activité professionnelle. En France, on ne peut pas travailler avant 16 ans. Donc avant 16 ans, impossible d’évaluer une éventuelle aptitude à occuper un emploi. Donc, un mineur de moins de 16 ans n’a pas accès à l’épargne handicap !
L’effort d’épargne des familles raboté par la fiscalité
Et peu importe si le deuxième cas cité par la loi s’applique à la quasi-totalité des mineurs en situation de handicap. « Tous les établissements médico-sociaux leur dispensent une instruction, évidemment adaptée à leurs capacités » rappelle Hamed Ayachi. Mais les services juridiques ne l’entendent pas ainsi.
Ce refus d’accès à un droit est loin d’être anecdotique. La France compte 500 000 mineurs en situation de handicap de moins de 16 ans, donc presque autant de familles concernées. Si celles-ci veulent sécuriser l’avenir de leur enfant, l’assurance-vie est le placement de référence : simplicité, liquidité, désignation claire du bénéficiaire, transmission aisée par rapport à l’immobilier… Mais sans option épargne handicap, pas de réduction d’impôt sur les sommes versées ni d’exonération de prélèvements sociaux sur les plus-values. La fiscalité rabote l’épargne constituée pour l’enfant en situation de handicap.
Personnes majeures : des demandes de justificatifs non prévues par la loi
Curieusement, il n’existe aucune jurisprudence sur ce sujet. « Les parents et les associations sont déjà mobilisés par les difficultés du quotidien, avance Jacques Delestre, responsable de l’activité Personne vulnérable d’Olifan Group. Si la famille essuie un refus pour l’épargne handicap, elle n’insiste pas. »
Reste qu’il serait temps de corriger cette interprétation douteuse des textes. D’autant que ce n’est pas la seule. « L’établissement financier demande parfois aux personnes majeures qui veulent une option épargne handicap de présenter une carte d’invalidité à 80%, témoigne Hamed Ayachi. Or, la loi ne le prévoit pas. Un certificat médical suffit.»
Le poids des processus de traitement des dossiers
Faut-il en déduire que les banques et les assureurs privent délibérément les personnes en situation de handicap d’un de leurs droits ? Non, bien sûr. Jacques Delestre croit plutôt au pouvoir contraignant des processus de traitement des dossiers. Quand un service juridique a arrêté sa position, ces processus s’imposent et il devient impossible d’y déroger.
Toutefois, Olifan Group ne compte pas en rester là. « Nous parlons de 500 000 jeunes et d’une loi en vigueur depuis plus de 30 ans, insiste Hamed Ayachi. J’invite les parents et les associations à se mobiliser pour faire valoir les droits des mineurs de moins de 16 ans : l’épargne handicap doit leur être ouverte sans restrictions. »